Rendez-vous en 2025

Alicia de Pfyffer et Édouard Golbery, Arnaud Machado et Lucie Queruel : le goût de l’exploit

Malgré une préparation d’à peine quelques semaines, les deux duos amateurs de Race for Science – Verder (Alicia de Pfyffer/Édouard Golbery) et Groupe Helios – Du Léman à l’Océan (Arnaud Machado/Lucie Queruel) ont bouclé la 16e édition de Transat Paprec moins de 24 heures après le reste de la flotte, quand les duos amateurs accusaient, il y a deux ans, près de quatre jours de retard. De quoi démontrer leur abnégation, leur capacité à se battre jusqu’au bout et à prouver que les projets amateurs ont toujours leur place sur la course.

Ils ont donc été les deux derniers à rejoindre le port de Gustavia. Race for Science – Verder (Alicia De Pfyffer/Édouard Golbery, 10e) et Groupe Helios – Du Léman à l’Océan (Arnaud Machado/Lucie Queruel, 11e) ont franchi la ligne d’arrivée samedi en milieu et en fin d’après-midi, bénéficiant pour conclure d’une lumière incroyable et de la foule de curieux venus se masser sur le ponton. Moins de 24 heures après le 9e, Alicia et Édouard, Arnaud et Lucie ont bouclé la course à leur tour. L’exploit est grand pour ces deux projets amateurs  !

“L’immense fierté d’être là” 

Pourtant, rien n’a été facile. Il y a eu d’abord la préparation en amont de la course. A la différence de nombre de projets, eux n’ont pas passé l’automne et l’hiver à s’entraîner. Ils n’ont pas non plus le profil typique des Figaristes. Alicia et Édouard travaillent sur des yachts de luxe, quand Édouard, comédien, n’est pas sur les planches du théâtre. Lucie et Arnaud, eux, travaillent pour des teams IMOCA (Freelance.com et Lazare) et, après une transatlantique retour à l’issue de la Route du Rhum - Destination Guadeloupe, ils ont décidé de tenter l’aventure à leur tour. « On ne s’était pas beaucoup entraînés, seulement la qualification et trois week-ends », reconnaît Lucie. 

À voir leur sourire et leur décharge d’émotion sur les pontons, les deux duos ont savouré cette « immense fierté d’être là », dixit Édouard. Pourtant, il a fallu faire face à tout, aux aléas et au temps qui passe aussi car rien n’est facile quand on voit ses camarades s’échapper devant. « Quand tu es derrière, tout devient long, expliquait ainsi Arnaud Machado. Plus les jours ont passé, plus c’était long parce qu’on savait que l’on ne pouvait pas rattraper ceux qui étaient devant ». « Quand on a vu la terre, on s’est dit qu’on avait réussi cette traversée malgré toutes les choses qui nous sont arrivées », s’amuse de son côté Alicia de Pfyffer.

Ils ont cravaché et n’ont rien lâché

Rien n’est linéaire lors d’une transatlantique. « On a cassé des choses dès le début » poursuit Edouard. Lucie et Arnaud, eux, ont dû s’arrêter à Tazacorte sur l’île de la Palma. « On s’est dit qu’on allait abandonner à cause du trou dans la grand-voile du J2 qui s’est déchiré », reconnaît Lucie. Sur l’île, les réseaux de la Directeur de Course et la solidarité des locaux leur ont permis rapidement de trouver des solutions. « On a fait deux départs et deux arrivées », s’amuse-t-elle. Un peu plus de 24 heures d’escale donc avant de repartir et de retrouver le goût de la course, même si les petits camarades sont déjà loin. Et ça a été tout sauf une évidence. « C’est hyper dur d’être derrière et de tout faire comme les autres en étant derniers », assure Arnaud.

Pourtant, ils ont cravaché et n’ont rien lâché. Un temps, Arnaud et Lucie ont décidé de faire du sud dans les alizés pour bénéficier de conditions plus favorables. Une option qui leur a permis de mettre la pression sur Race for Science – Verder notamment en fin de course. « Quand Groupe Hélios – Du Léman à l’Océan est revenu, on a dû un peu s’arracher », indique Édouard. Un mano-à-mano s’est installé dans les derniers jours avant que Race for Science – Verder ne creuse définitivement l’écart. « Il nous aurait fallu une journée de plus pour revenir sur eux », confiait Lucie à son arrivée à Gustavia samedi.

Race for Science - Verder

“Il n’y a pas de honte à être amateurs !” 

Les deux duos ont gagné bien plus que les honneurs réservés à tous ceux qui bouclent une transatlantique. Ils ont bénéficié de l’une des meilleures formations qui soit à bord de ces bateaux si exigeants. « On a compris le bateau pendant la course », sourit Lucie. « Nous avons appris à barrer la nuit sous spi pendant des heures, assure son co-skipper, Arnaud, qui rappelle qu’il « ne connaissait pas le Figaro » avant cette course. Édouard confirme : « moi, c’était ma première course en Figaro et Alicia sa première course au large »

Un peu plus tôt à la vacation, ce dernier confiait, tout sourire : « je suis sûr qu’avec un peu plus de temps de préparation, on aurait pu être un peu plus dans le match avec les autres ». Et il assurait : « on montre qu’il n’y a pas de honte à être amateurs ! » Alicia, Édouard, Lucie et Arnaud ont donc réalisé une sacrée course et tous ceux qui ont été accros à la cartographie peuvent en être convaincus. Un avis partagé à la Direction de Course régulièrement élogieux à l’égard de ces deux bateaux. 

« Ça montre qu’il y a de la place pour des projets non professionnels » expliquait mercredi dernier Francis Le Goff, le Directeur de Course. Même dans une des classes les plus exigeantes de la course au large, des amateurs peuvent tenter leur chance, traverser l’Atlantique et vivre des émotions à nul autre pareil. Pour ces quatre skippers, l’aventure donnera forcément des idées pour la suite. Et ils pourraient aussi susciter des envies chez nombre de skippers amateurs qui pourraient à leur tour tenter leur chance dans deux ans, en prenant part à la Transat Paprec. Avant d’ajouter hier : « je ne considère pas Race for Science – Verder et Groupe Hélios – Du Léman à l’Océan comme les derniers parce que par rapport à l’édition précédente, l’écart avec le premier est assez faible. Pour des amateurs qui ont eu leur bateau très tard et se sont peu entraînés, on a noté une progression constante à tel point que dans un premier temps, après La Palma, on routait Édouard et Alicia à 85% de la polaire pour finir ces derniers jours à 95% de la polaire. Ils ont appréhendé le bateau et c’est ça qu’il faut retenir. Mais aussi qu’Arnaud et Lucie ont aussi été dans le coup avant d’avoir leur problème technique et leurs voiles déchirées avant de passer La Palma. Ils ont su se remobiliser pour revenir. Je pense qu’on les retrouvera, peut-être en Figaro ou ailleurs, tant leur progression a été énorme. Ils m’ont complètement bluffé et l’analyse qu’ils font de leur course à l’arrivée est juste. Ça prouve qu’ils ont un bel avenir devant eux ! »