Alexis Thomas – Pauline Courtois : « c’est l’accomplissement d’un rêve de gosse »
- Antoine Grenapin
- 29 avr.
- 3 min de lecture
L'INTERVIEW. Entre deux réponses, Alexis Thomas, contacté ce matin, s’excuse de « ne plus du tout avoir la notion du jour et de l’heure ». Pourtant, malgré la fatigue et la répétition des efforts, le skipper qui dispute sa première transatlantique et Pauline Courtois (Wings of the Ocean) réalisent un début de course de haute volée. Depuis leur contournement audacieux de La Palma dimanche, ils occupent d’ailleurs la première place du classement. Malgré une nuit particulièrement tonique entre lundi et mardi, Alexis a pris le temps de revenir sur leurs performances et de se projeter sur la suite de la course. Et si les corps sont fatigués, l’esprit est loin d’être émoussé.

La dernière nuit a été particulièrement intense. Comment l’as-tu vécu ?
Oui, c’était assez tonique ! Nous nous y étions préparés : on avait nettoyé le bateau, séché nos affaires, on avait même préparé de la nourriture pour ne pas avoir à retourner à l’intérieur pendant nos quarts. Ce qui a été surprenant, c’est que le front a donné l’impression de passer deux fois. Une première avec 21 nœuds et un autre passage où c’était encore plus pêchu et compliqué.
« Nous n’avons pas à rougir de ce qu’on fait ! »
Ça doit forcément jouer sur l’état de fatigue…
Oui, on commence à être un peu sur les nerfs : depuis les alizés portugais, on a eu aucun repos. C’est dur de se reposer, ça a un impact sur le moral. Et puis on vit dans l’humidité, dans le froid, on est mouillé… Cette nuit on a dormi par tranche d’une demi-heure. Il fallait être dessus même si on est bien carbonisés !
Malgré tout, vous faites un très bon début de course !
C’est sûr que ça fait plaisir. On a fait de bons placements, de très belles trajectoires, de belles vitesses… Nous n’avons pas à rougir de ce qu’on fait ! On savait avant le départ qu’on avait les qualités pour batailler devant. On y est donc on est content !
Justement, comment avez-vous décidé de votre trajectoire audacieuse au contournement de La Palma ?
J’ai passé beaucoup de temps avant la course à étudier la météo et les scénarios possibles notamment en m’attardant sur les effets de sites potentiels. Le fait qu’il n’y ait pas beaucoup de vent nous a poussé à frôler la côte. Avec le vent forcissant, on s’est dit que ça pouvait le faire sous grand spi. Le fait que Martin Le Pape et Mathilde Geron (Demain) soient encore plus proches de la côte nous a permis de savoir quand il ne fallait pas trop s’en rapprocher. C’était un peu chaud mais on a tenu avant de rester ensuite dans la même veine de vent.
« Ce qui est sûr, c’est qu’il va encore se passer des choses ! »
La suite, notamment en fin de semaine, s’annonce compliquée…
C’est vrai qu’en y pensant, je me demande pourquoi on se donne autant maintenant ! Je pense qu’il va y avoir de gros resserrements à venir. Les fichiers météo s’accordent sur le fait qu’il y a une dépression sur la route à contourner dans deux jours puis une grosse zone de molle (sans vent) sur 500 milles. Il va falloir la contourner par le Nord ou le Sud mais c’est encore un peu tôt pour le savoir. J’étudie chaque nouveau modèle météo, je les compare… Ce qui est sûr, c’est qu’il va encore se passer des choses !
Vous semblez particulièrement complices tous les deux. Comment qualifies-tu votre entente à bord ? On ne se connaissait pas avant pourtant, il y a une belle alchimie entre nous. Pauline est quelqu’un de très simple à vivre, avec un mental d’acier. On est tous les deux sur la même longueur d’onde en matière d’engagement physique. C’est une bonne barreuse, qui sait avancer vite… Et je lui fais confiance. On essaie aussi de prendre soin de l’autre, on prend des nouvelles : on fait tout pour que ça se passe le mieux possible. Quelles sont les images les plus fortes du début de course qui te resteront en tête ? Notre passage de La Palma, la façon dont on a transpercé la flotte, c’est mémorable. Et puis c’est aussi la première fois de ma vie que je vois des poissons-volants. Ce sont des créatures très mignonnes ! Je m’étais promis que les premiers que je verrais, ce serait sur une transatlantique. Et c’est ce que je vis. C’est juste l’accomplissement d’un rêve de gosse !