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Karine Fauconnier : « Rien ne changera si on ne met rien en place »

© Yvan Zedda -

Karine Fauconnier est une des rares femmes qui s’est illustrée dans la course au large en tant que skippeuse - en particulier en équipage - dans les années 2000. Elle fut notamment à la tête du trimaran ORMA Sergio Tacchini durant de nombreuses années. Double participante à la Transat en double Concarneau - Saint Barthélemy elle reste à ce jour la seule femme à avoir remporté l’épreuve, en 2000 en duo avec Lionel Lemonchois, l’année du nombre record de bateaux participants (42) !

Elle a accepté de nous donner son avis sur l’arrivée de la mixité dans l’épreuve, ses expériences passées et son avis sur le sujet, un seul mot : instructif !

« Je suis enthousiaste à l’idée du double mixte, car ça fait des années que je me bats pour ! Je suis beaucoup plus favorable à ces initiatives de mixité plutôt qu’aux projets de classements spécifiques pour les duos mixtes qui avaient germé il y a quelques années et auxquels je m’opposais. À mon sens, cela pouvait laisser entendre que les femmes étaient un poids et qu’en cela, cette catégorie méritait un classement séparé. 

Cette forme de discrimination positive peut avoir des cotés négatifs, mais rien ne changera si on ne met pas en place ces aménagements. Le concept d’une transat en double mixte est une bonne idée, cela va permettre aux femmes de trouver plus facilement des embarquements. La mixité est toujours très enrichissante »

La complémentarité entre femmes et hommes :

« Quand on est une femme, dans des moments un peu délicats, il peut y avoir un manque de force physique, compensé par l’anticipation, la précision et la réflexion. Cette finesse, ce développement d’une intelligence « différente » peut apporter quelque chose aux hommes et rendre les compétences à bord complémentaires. »

Ses expériences passées :

« Je n’ai quasiment fait que du mixte sur les courses en double auxquelles j’ai participé dans ma carrière de navigatrice. Je trouvais – et je trouve toujours – intéressant de mettre en place de la mixité. À l’époque, il y avait plus de choix d’hommes compétents que de femmes compétentes malheureusement. Il y avait aussi une vue plus « sexualisée » de notre rôle de marins, pas par les autres skippers, mais par leur entourage : une sorte de mythe autour du fait qu’un duo mixte tomberait forcément amoureux…

Ça peut évidemment arriver, mais ça n’est pas tout le temps le cas ! Par exemple, avec Lalou Roucayrol c’est sa femme qui m’avait appelée parce qu’elle m’avait perçue comme un marin de qualité.

Aujourd’hui, le nombre de femmes augmente et votre initiative sur la Transat Paprec va permettre d’accroître encore le nombre de femmes présentes dans le paysage de la course au large française, ce qui est une bonne nouvelle ! »

Ses deux transats en double :

« En 1998, on avait fait 9ème, c’était la dernière course de mon père [Yvon Fauconnier] qui commençait à se faire un peu vieux pour ce genre de bateau, c’est donc moi qui faisais les manœuvres. Ce fut une expérience un peu différente de celles qui ont suivi, comme avec Lionel [Lemonchois] (en 2000), bien que toutefois sympathique. On avait travaillé la météo avec Pierre Lasnier et c’était très instructif, on avait bien optionné restant plusieurs jours en tête. Il y avait eu un vrai passage de relais en termes d’intelligence tactique, de navigation, de stratégie à l’occasion de cette Transat AG2R.

En 2000, nous avions embarqué ensemble avec Lionel [Lemonchois], il n’avait jamais fait de Figaro - c’était mon projet - je lui avais dit que je voulais gagner et je me rappelle que je lui avais envoyé la liste en disant « il y a un plateau incroyable, mais il n’y a personne d’imbattable » : on était vraiment parti pour gagner… et on a gagné !

C’était un super co-skipper, très complémentaire, bon technicien avec lequel je savais qu’on pouvait tout gérer. Ce n’était pas un grand bavard, on le sait, mais on avait un but commun et on fonctionnait super bien ensemble. Je me souviens aussi d’une très belle arrivée, j’avais vécu à Saint-Barthélemy quelques années et j’avais beaucoup de copains sur l’eau c’était chouette. »

Le fait d’être la skippeuse « en chef » :

« Il faut bien comprendre que sur toutes ces courses, si je n’avais pas eu mon sponsor, je n’aurais pas été embarqué comme co-skipper, pour cela il fallait que j’aie aussi mes propres projets ! 

Ce qui différait aussi en étant la skippeuse du projet, c’est que la décision finale me revenait. Mais on est plus intelligents à deux et sur la transat avec Lionel par exemple, il n’y avait d’ailleurs pas de problème de hiérarchie. C’était un peu plus compliqué avec mon père, parce que j’étais la patronne sur le papier, je connaissais mieux le bateau mais j’étais jeune et puis c’était mon père quoi ! 

En-tout-cas, votre transat mixte, est un bon levier, et il faut que les filles saisissent l’opportunité de prendre en main leur destin plutôt que d’attendre un coup de fil ! »