Rendez-vous en 2025

Bourgnon : « on n’est pas là pour finir sixième ! »

C’est Basile Bourgnon qui a décroché lors de la vacation ce mardi. La réaction du skipper d’EDENRED, associé à Violette Dorange, était particulièrement intéressante et pour cause : leur duo, actuellement 6e, est celui qui est parti le plus au Sud du groupe de tête. Une prise de risque pour toucher du vent un peu plus fort et jouer les trouble-fête à l’arrivée. Basile en décrypte les contours et les enjeux. 

 « On est très content la nuit parce que la journée on crève de chaud à bord ! Ça faisait trop longtemps qu’on était dans le train-train avec le wagon de tête. On avait envie de montrer qu’on savait faire autre chose et une opportunité s’est ouverte devant nous. Il y avait du vent faible devant nos étraves et on s’est dit qu’on pouvait essayer de contourner par le Sud et d’aller chercher du vent plus soutenu. Forcément, c’est une prise de risque mais c’est assumé.  On n’est pas là pour finir sixième ! On est à quatre jours de la fin, les bateaux sont à la même vitesse, ils sont alignés les uns aux autres. Le seul moyen de gagner des places, c’est d’avoir un positionnement différent, de jouer cartes sur table et de parier qu’on aura un vent un peu meilleur.  

C’est presque le moment où on prend le plus de plaisir finalement parce qu’on tente des trucs. On commençait presque à s’ennuyer depuis une semaine ! Sur une transatlantique comme ça, ça aurait été dommage de ne pas tenter des choses. On risque gros mais on va s’amuser ! Et puis je crois que ça fait partie de notre ADN avec Violette : quand on voit des opportunités qui s’ouvrent, il faut foncer !

Hier, j’ai pris ma première douche et ça fait du bien ! On commence à en avoir un peu marre de notre playlist. Et puis on parle un peu de Saint-Barth, de ce qui nous attend, de la fiesta… Ce qui me manque le plus finalement, c’est de pouvoir marcher. J’ai mal aux jambes à rester toujours recroqueviller ou assis. Étant donné que je suis assez grand, je ne peux pas allonger totalement mes jambes dans le bateau… J’ai envie de grands espaces ! »

 

LES MOTS DU BORD

Anne-Claire Le Berre (Région Bretagne CMB - Performance) : « premier grain, douche intégrale ! »

 “On est passé sous la barre des 700MN tout à l'heure, bientôt nous serons plus qu'à une étape de Solitaire du Figaro de l'arrivée ! Quoi dire de ce tout schuss bâbord amure vers les Antilles ?  Les gains sont arrivés vraiment la nuit dernière, premier grain, douche intégrale, il m'a un peu pris à froid. Les nuits sont très noires en ce moment, il n'y a qu'une petite lune, ce qui complexifie les choses. Je rêverai d'être un chat pour y voir plus clair!

On profite en ce moment d'un autre grain qui vient de nous amener une bonne risée après une après-midi de molle ! C'est pas mal et cette fois on a pris le grain comme dans les livres… C'est cool pour les conteurs et le prochain post-report! Gaston est heureux, il fait un stage de portant dans la pétole. Les sargasses sont là mais pas trop pénibles encore. Bref, voilà les news ! »

Guillaume Pirouelle et Sophie Faguet (Région Normandie) : “une seconde attaque de poisson volant”

« Dur de trouver l'inspiration dans une journée comme celle-ci ! Elle avait plutôt bien commencé de nuit avec de jolis grains poussifs qui nous ont fait retrouver quelques sensations de vitesse. On commence donc à être plus vigilants sur leur état de forme pour ne pas se faire surprendre par la survente mais surtout par de potentielles zones de calme derrière. Bref, la nuit on ne s'ennuie pas, il fait bon, ça avance, on se fait plaisir.  J'ai subi une seconde attaque de poisson volant dans l'épaule cette fois-ci. J'hésite à garder mes lunettes de soleil par peur de me faire crever un œil !

Seconde partie de matinée, de jour cette fois-ci, bien positionnés sous une ligne de nuages, ça a avancé plus vite que prévu et nous étions bien contents. Cependant ça y est, le revers de la médaille est passé par là et l'après-midi a été sans aucun doute le passage le plus lent de cette traversée. Et comme vous vous en doutez, ce ne sont pas nos meilleurs moments sur l'eau. Alors on dort à l'intérieur pour se protéger de la chaleur, on envoie quelques mails, et celui qui est dehors barre sous le cagnard a le droit de se lever de temps en temps pour jouer de la corde à noeuds et de la canne à algues.

Santé : après 1 lessive, une vie en culotte, un traitement acharné au cicalfate, vous serez heureux d'apprendre que d'ici à l'arrivée, je devrais avoir sauvé la peau de mes fesses ! C'est fou comme je me suis fait bêtement surprendre mais l'humidité ambiante des jours précédents et des nuits, tu ne fais pas attention et un beau matin tu te dis mais quand même, il n’était pas chauffant ce siège de barre avant....normal, ce n'est pas le siège de barre mais ton corps qui te dit qu'il n'est pas content de ces conditions de vie et qui est bien décidé à te le faire savoir.

Côté stratégie, les routes serpentent un peu plus pour tout le monde selon l'influence de la force de vent et les nuages que nous rencontrons au gré du jour et de la nuit. Les petits coups de gauche qui permettaient de se redécaler systématiquement dans le Nord Ouest sont de plus en plus rares. Pour l'arrivée, même si elle approche plus que jamais, les fichiers ne sont pas très optimistes sur la force du vent. Et qui dit vent faible dit peut-être un peu plus d'aléatoire et d'opportunités ? On est très concentrés et on reste patient dans les mous... Vivement cette nuit ! »

Julia Courtois (AGEAS-Ballay-Cerfrance- Baie de Saint-Brieuc) : “on ne lâche pas l’affaire”

“Pour changer, tout va bien à bord de Ageas ! On évolue actuellement dans un vent d'une dizaine de nœuds option ciel étoilé, bon il y a également l'option sargasses, on ne peut pas tout avoir. Il semblerait que ce soit un long tout droit direction Saint Barth, on a fait toute la journée en bâbord. Tout cela ponctué de quelques grains pour qu'on ne perde pas la main sur le matossage. Il fait toujours beau et très chaud, on cuit un peu à la barre l’après-midi.

On essaye de battre les records de vitesse, ce qui a quand même pas mal fonctionné car aujourd'hui la situation rendait nos petits camarades de devant plutôt lents. Le fait du jour : on a cassé la deuxième et dernière souris du bord par rupture de fil, la première ayant fini légèrement noyée sous la table à carte au large de La Palma dans un pas si improbable départ au tas. Moins pratique pour manier Adrena mais on se débrouillera. Bref, on ne lâche pas l’affaire ! »

 

Édouard Golbery (Race for Science – Verder) : “S’il pouvait pleuvoir des mangues”

« Aujourd'hui j'étais vraiment heureux d'être en mer. Ça peut paraître évident mais on oublie vite l'essentiel quand on est en course. Quand j'étais à Paris les dernières années, j'avais l'angoisse du bitume. Je me réveillais avec les articulations en feu qui semblaient me dire de me barrer en courant, je rêvais d'océan tout le temps. Comédien tu vis dans 9m2 dans un quartier crade avec 50€ par semaine pour bouffer, le métier est magnifique mais c'est dur.

Des journées comme aujourd'hui je les savoure pour les avoir espérées un long, long, long moment. Je sais que c'est un circuit professionnel le Figaro et qu'il faut parler compétition et performance, mais il y a certainement une autre dimension qui se cache derrière tout ça. C'est quand même une chance inouïe qu'on a de partir sur ces bateaux seuls ou en équipage à travers l'océan. C'est un voyage intérieur, à chaque fois, il y a un truc qui se rapporte à l'identité, se découvrir ou se retrouver détaché des pressions sociales, familiales, des boîtes dans lesquelles on se met, loin de tout on existe vraiment, simplement.

Je suis bluffé par la course qu'ils font devant nous. Respect infini ! Nous on se regarde de loin avec Groupe Hélios, j'espère qu'on va tenir la vitesse du routage malgré le niveau de la mer car au portant dans 11 noeuds, les 145° annoncés peuvent être compliqués. Arnaud et Lucie devraient en moyenne avoir plus de vent. On barre en continu, on joue les petites variations de vent et on essaie de faire marcher le bateau au mieux. On ne va rien lâcher en tout cas !

Vous avez vu après mon dernier mail nos antennes se sont couchées vers Saint Barth d'un coup d'un seul au 255° pleine balle. Comme quoi la manifestation ça marche. Du coup si demain il pouvait pleuvoir des mangues, je suis preneur. »