Rendez-vous en 2025

Au rythme et au blues

La tête de flotte est toujours aussi compacte avec 14 bateaux qui se tiennent en moins de 45 milles et 60 milles en latéral. Si la bataille est intense pour rester dans le rythme, chacun peut davantage se reposer, gagner en quiétude et vivre de vrais moments de bonheur. C’est le cas de Julien Villion (Teamwork) qui a pris le temps de se raconter par écrit au cœur de la nuit.    

En mer comme sur terre, il y a toujours des instants de vie qui s’inscrivent directement dans nos souvenirs par leur douceur, leur intensité et le bonheur qu’ils engendrent. C’est ce qu’a vécu Julien Villion, associé à Nils Palmieri à bord de Teamwork, hier soir. « Je partage avec vous le meilleur quart depuis ce début de transat » débute-t-il par mail. Le skipper évoque « la lune à l’aplomb du bateau qui éclaire le spi et la trajectoire », « les paquets de mer qui passent sur le pont » et qui s’écoulent sans le mouiller, « l’air doux, presque chaud ». Ce sont ces moments rares, au large, « où toutes les planètes sont alignées ».

Un moment suspendu au milieu de la nuit 

La quiétude du moment pousse Julien à vouloir en profiter, à fond. Alors il s’offre un petit luxe : après avoir mis « un coup d’auto sur la télécommande du pilote », il file chercher son téléphone et ses écouteurs puis revient à son poste. Car pour lui, ce moment-là doit se vivre et se ressentir en musique. Le Figariste lance l’album Live at Folsom Prison de Johnny Cash, « un must si vous ne connaissez pas déjà », explique-t-il. Le tableau d’alors est aussi visuel que sonore : « le bateau déboule, les appendices chantent » et le bluesman y ajoute sa voix. « Je ne pense pas qu’il (Johnny Cash) ait imaginé une seconde que ce live donnerait autant de plaisir à un gars sur son bateau au milieu de l’Atlantique 60 ans plus tard ».

Un moment suspendu au milieu de la nuit et à plus de 600 milles à l’Ouest des Canaries. La tête de la flotte est toujours aussi compacte. 14 bateaux composent le groupe de tête et moins de 45 milles les séparent ce qui garantit un sacré suspense. Et puisque personne ne souhaite être distancé, chacun fait preuve d’une grande vigilance. On observe depuis la veille une volonté de ceux situés le plus au Nord de ce groupe de se rapprocher de ceux qui filent le plus au Sud. 

Avantage aux « Sudistes » ? 

On a ainsi vu Breizh Cola (Gilda Mahé - Tom Dolan), TeamWork (Nils Palmieri - Julien Villion), Groupe Gilbert (Fabien Delahaye - Corentin Douguet), Gardons la vue (Martin Le Pape - Yann Eliès) et Bretagne CMB - Oéane (Elodie Bonafous - Corentin Horeau) empanner et se recaler vers le Sud. « Entre ceux qui sont le plus au Nord (L’Égoïste - Cantina St Barth et Région Normandie) et ceux qui sont au Sud, à l’instar de GUYOT Environnement - Ruban Rose, l’écart en latéral s’est creusé légèrement, passant de 50 à 70 milles, souligne le directeur de course, Francis Le Goff. La stratégie de GUYOT Environnement - Ruban Rose semble bien marquée sur l’ensemble du groupe, d’autant que les conditions ne sont pas propices à l’option la plus Nord dans les jours à venir ». 

Si les conditions seront encore stables ce vendredi et samedi, des options plus marquées pourraient être prises d’ici la fin du week-end. Mais avant, les skippers vont profiter d’une nouvelle journée avec 15 à 20 nœuds et un soleil bien prégnant. Ils semblent très loin des bourrasques du moment qui balaient l’Hexagone. Et ils donneraient presque envie de mettre des écouteurs de fermer les yeux, d’écouter Johnny Cash et d’être transporté, avec eux, au milieu de l’Atlantique. 

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Les mots du bord de la nuit

Violette Dorange et Alan Roberts (Devenir) : 

« Le passage des Canaries mercredi dernier était assez dingue. On ne voyait pas l’île et elle est apparue subitement alors qu’on était à 20 milles des côtes ! Elle était immense, hyper haute, c’était magnifique ! On savait qu’il allait y avoir une grosse accélération du vent et on s’était préparé pour. Nous avons bien fait parce que le vent a pris très vite 30 nœuds et on a eu des claques à 35 nœuds ou plus. Dans cette accélération, on a déchiré un bout de notre grand-voile, donc on a dû affaler et faire une petite réparation. Pour l’instant ça tient et surtout on n’a pas beaucoup perdu. Jeudi, tout allait bien, le vent s’est calmé (autour de 20 nœuds). Ça surfe, il fait chaud, on a fait sécher les vêtements dehors, ça fait vraiment du bien ! » 

Nils Palmieri et Julien Villion (TeamWork) : 

« On est dans les alizés et ils ne sont pas très établis, pas très forts, autour de 15 à 20 nœuds. Le passage de La Palma était bien tonique, on est tous allé jouer dans l’accélération le long du volcan avec plus ou moins de réussite et de cabrioles. Pour nous ça a été plutôt bien, on avait bien anticipé et affalé le spi au bon moment. En ressortant, on a été un peu timide à envoyer de la toile et on a un peu annulé le bon travail qu’on avait fait. Depuis on navigue en petit groupe et c’est sympa, on peut discuter à la VHF avec Queguiner-Innovéo, Gardons la vue, Bretagne-CMB Océane, Groupe Gilbert… On est un peu plus relaxe, on a changé de vêtements hier et on peut garder le bateau sec ! »

Arthur Hubert et Clément Commagnac (MonAtoutEnergie.fr) : 

« On a profité de la nuit et de la journée de jeudi pour bien nous reposer après l’épisode de La Palma ! Là, on file tout droit, avec un peu de tactique. On est toujours à bloc dans la recherche de la vitesse et l’optimisation de la carène. On s’est décalé un peu dans le sud et on va essayer d’en profiter. On devrait rester tribord plus longtemps que les autres et on verra les croisements au prochain empannage, tout cela dépendra bien sûr des rotations du vent. Il va y avoir des recalages, ça va être top niveau tactique car un grain peut avoir une énorme influence sur le classement. » 

Pep Costa et Will Haris (Cybele Vacances – Team Play to B) :

« On est bien entré dans les alizés. Le vent était un peu instable jeudi mais on travaille très dur pour maintenir un rythme et ça va très bien. On fait notre maximum avec 17 à 19 nœuds. Hier, c’était la première journée où on a pu sécher les vêtements. C’était bien parce qu’avant, c’était très humide. Là, on va essayer de profiter et de continuer à faire au mieux ! »